La caverne du poète

Publié le par Boualem Rabia


Dans ce trou insolite et beau
De jour comme de nuit
Il s'égrène des larmes de piano
Un manège nostalgique
Hors de tout lexique
De tout ce qui reste figé
Et empeste la mort
Dans ce salon-musée
Où se pâme le silence
Avec un archer véloce
Qui dessine sur une âme de coquelicot
Frémissant et suant des adagio

Par-dessus cette caverne insolite
Telle une foule de badauds
Les étoiles pleuvent ahuries
Une constellation de vers cherchant
Le sens des signes
Qui tout autour gravitent
Et grisé le poète souffle
Dans le fifre du silence
Ce ténor qui chante dans la gorge de l'oubli
Qui s'oublie et éventre l'écluse
Afin que coulent les mots
Qu'il aime prendre au mot

C'est là souvent qu'il transhume
Dans cette menue caverne
Où se vautre le désert
C'est là qu'il se suit à la trace
Autour de lui-même
En lui-même
Partout il sent sa vérité tapie
Soudain ses entrailles se meuvent
Magma en gestation
Fumerolles et lave frénétique
Le silence enfante
Une procession d'ombres
Que l'artiste avait crues mortes
Des vocables bègues
Des objets amnésiques
Des phrases anonymes
Une correspondance déphasée
C'est là
Dans cette solitude océanique
La nuit
Qu'il débobine son chant bleu
C'est là
Ivre blême et anéanti
Qu'il assiste à la résurgence des sens
Sens de toutes les choses coincées
Dans la déchirure et le vagissement
Du passé hagard et vieilli
Qu'il caresse mais qui ne le reconnaît plus
Dans ce silence où vadrouille l'écho
D'un sixain perdu depuis des années
Dans un carnet de collégien

Etait-ce possible
A cet âge-là
De mordre son cœur
A pleines dents..

Publié dans Poèmes

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